Twitter n'aura pas le Pulitzer

Vendredi soir, comme beaucoup de français, j'ai essayé de suivre ce qui se passait en Tunisie. Les chaînes d'info en continu se contentant de répéter les mêmes informations en boucle, j'ai décidé de me rabattre vers Twitter.
Très vite, j'ai été submergé de données contradictoires, de liens vers des images sorties de tout contexte, de vidéos difficilement datables. Certains affirmaient que Ben Ali avait atterri au Bourget, ils en avaient la preuve.
Loin de la rue tunisienne et de sa cruelle réalité, beaucoup de twitters se sont pris pour des reporters de guerre, relayant toutes les infos qu'ils captaient confortablement installés dans leur salon. Mieux qu'une partie de Counter Strike, la révolution 2.0.
Sauf qu'un fil Twitter n'est pas un fil AFP. A la lumière d'événements aussi dramatiques, on mesure la différence entre le métier de journaliste et le "loisir" du commentateur. Là où le bloggeur ou le tweeteur se contente de répéter l'information en temps réel, ou de donner simplement son avis sur la question, le journaliste prend du recul, recoupe les données, vérifie l'information avant de la publier. Il synthétise, oppose et clarifie les points de vue.

Adolescent, j'ai vécu la révolution roumaine, avec des correspondants qui relayaient le direct grâce aux premiers téléphones portables. Il y a eu ensuite la première guerre du Golfe et ses frappes chirurgicales en temps réel sur CNN. Voici venu le temps du fragmenté, instantané, jetable et invérifiable. Certes, chacun peut s'y exprimer. Mais cela rend le journaliste encore plus indispensable pour prendre du recul, se donner le temps d'analyser, dans une époque qui n'a plus le temps de rien.