Rétrospective de 2020 et perspectives pour 2021 dans l'imprimerie en ligne

 
2020… c’est avec un soulagement certain que l’on observe cette année se terminer, tant elle aura été source de bouleversements. La crise sanitaire a secoué nos habitudes et a transformé totalement nos environnements professionnels et personnels, avec des conséquences que l’on ne mesure qu’à peine. Ce soulagement est teinté de craintes pour beaucoup, l’année 2021 étant pleine d’incertitudes. Comme tant d’autres secteurs, l’imprimerie a été sévèrement impactée par le Covid. Mais les tendances au sein de notre marché ont montré des dynamiques différentes, pour ne pas dire opposées. En cette fin d’année, je vous propose une petite retrospective, et des pistes de réflexion pour l’année qui vient…
 

Rétrospective 2020

Majors en recul, fusées à l’arrêt… la fin d’un modèle ?

Déjà entamé depuis 2-3 ans, le ralentissement des majors de l’imprimerie en ligne s’est confirmé – et accentué – avec la crise sanitaire. Tous ne publient pas leurs chiffres, mais si l’on se base sur les annonces des sociétés côtées en Bourse comme Cewe et Cimpress, on constate que l’imprimerie commerciale ont subi une baisse de l’ordre de 30% sur plusieurs mois de l’année, l’activité globale étant sauvée par les tirages photos et albums photos, ou par des refinancements auprès de fonds d'investissements. Certes, il s’agit d’une répercussion directe des différents confinements que l’Europe a subi, des annulations de festivals, des fermetures de restaurants… Mais c’est aussi selon moi la démonstration qu’un modèle dominant dans l’imprimerie en ligne est arrivé à ses limites. Je m’explique : depuis 2015, le marché a été accéléré par une dynamique assez folle basée sur 3 facteurs : acquisition d’audience forcenée via des Google Ads, guerre des prix à outrance, et endettement pour favoriser des consolidations ou des développements… Les mésaventures de certaines « fusées » gourmandes en cash ont montré les faiblesses de ce modèle, parfois loin d’une logique économique de bon père de famille. 
 

La proximité, source de résilience

Les majors ont également « payé » pour certaines des choix de production pendant la crise sanitaire : avec une concentration croissante des unités de production dans quelques pays d’Europe, certains opérateurs ont éprouvé les plus grandes difficultés à livrer leurs clients lorsque les transports ont été affectés par le confinement. Cet épisode a ainsi révélé à de nombreux clients l’origine réelle des produits commandés, et il a mis en lumière la force de l’imprimeur local, seul réellement capable de s’adapter et de livrer les clients de son bassin de proximité. Ce maillage de proximité que constitue l’imprimerie a montré une vraie résilience, et je pense que beaucoup de donneurs d’ordre ont revu leur schéma de pensée à ce niveau, pour ajouter au facteur « prix » un nouveau facteur lié à la sécurisation des approvisionnements.
 
 

Le CloudPrinting en plein essor

Si l’imprimerie en ligne « traditionnelle » a souffert, d’autres modèles ont connu un essor fulgurant. Le cloud printing avec ses acteurs méconnus mais ô combien dynamiques (Gelato, CloudPrinter, Printful, Printify, Moteefe…) a été porté par la dynamique du e-Commerce et la flambée du nombre de boutiques. Ces modèles d’imprimeurs en dropshipping ou de réseau de producteurs connecté est également apparu comme bien plus résilient que les modèles de production traditionnels plus centralisés, comme je l’expliquais auparavant. Clairement, ce sont les grands gagnants de cet épisode, et je pense que ce secteur du print-on-demand en dropshipping, connecté en marque blanche, va continuer à se développer fortement dans les prochains mois.
 

La satisfaction client comme alternative à la guerre des prix

Le prix ne fait pas tout… les problèmes d’acheminement des colis ont révélé les limites de certains modèles de production, mais la crise sanitaire a aussi soumis les services clients à rude épreuve. L’analyse des chiffres de satisfaction client que je viens de publier dans différents pays d’Europe montre qu’au final, la maîtrise de la production et la production locale semblent essentielles pour satisfaire pleinement ses clients. Certes, il reste assez facile de vendre à bas prix, mais généralement le client est rarement satisfait du résultat. Un enseignement précieux, car pour beaucoup, le jeu n’était plus déterminé que par l’unique facteur Prix. L’année écoulée a su montrer que l’équation était bien plus complexe, car plusieurs facteurs entraient en ligne de compte.
 

Le risque de la dépendance chez les producteurs

Les péripéties survenues à certains opérateurs de l’imprimerie en ligne européens ont eu de sévères répercussions sur plusieurs producteurs, soit en raison de chute de commandes – leur client plateforme privilégiant soudaienement ses propres unités de production – soit en raison de rééchelonnement unilatéral des paiements. Certains sous-traitants déjà fragiles y ont laissé des plumes, et ces mésaventures interrogent sur la pérénnité d’un modèle où beaucoup d’imprimeurs ne sont tributaires que de distributeurs tiers, et des règles qu’ils imposent au marché. Dans une tribune publiée en mai dernier, je m’interrogeais sur ce modèle et sur les alternatives dont disposent les producteurs… 
 
 

Perspectives 2021

A la lumière du debriefing de 2020, voici quelques réflexions sur l’année qui s’ouvre… 
 

Q1 2021, vers un bain de sang ?

Inutile de se voiler la face, le premier trimestre va entraîner une cascade de fermeture et de plans de licenciements. Beaucoup d’imprimeries vont devoir commencer à rembourser leurs prêts garantis, alors que l’activité générale risque tout simplement ne pas redémarrer avant plusieurs mois. Dans l’imprimerie de labeur en particulier, je crains que les incidents se multiplient… Chez les imprimeurs en ligne « majors », les plans de licenciements risquent de se multiplier, les grands groupes étant tentés de rationaliser à la hussarde les activités de business units différentes en centralisant les opérations, et en dédoublonnant les postes. Des exemples récents illustrent déjà ce risque… Je crains donc que le premier trimestre soit très violent dans le paysage de l’imprimerie européen… 
 

Le reflux des majors

Avec une chute des ventes, et des actionnaires qui s’impatientent, il y a fort à parier que les majors vont quitter les territoires les plus éloignés pour se concentrer vers leur cœur de marché… Les opérateurs hollandais vont quitter le Sud de l’Europe pour se concentrer sur la Hollande, la France et la Belgique, et je pense qu’on verra le même mouvement chez les imprimeurs allemands qui vont concentrer leurs moyens sur la zone DACH qu’ils maîtrisent parfaitement. Idem pour les britanniques qui, échaudés par le Brexit et la crise sanitaire, vont oublier certaines perspectives de développement en Europe pour se concentrer sur le Royaume-Uni.
 

La montée en puissance de nouveaux acteurs

La nature ayant horreur du vide, la place laissée vacante par des majors soudainement devenus frileux va attirer de nouveaux opérateurs : place de marchés spécialisées, marketplaces généralistes comme Amazon et son méga-deal de machines Kornit, éditeurs en ligne comme Canva, fusions d’imprimeries comme Precision Proco Group en Angleterre… une nouvelle génération arrive, et elle est bien décidée – à l’image des opérateurs de Cloud Printing – à dépoussiérer l’imprimerie en ligne en repensant la chaîne de valeur. Je l’avais déjà écrit, mais je le repète, Canva est de loin le leader le plus innovant dans l’imprimerie en ligne, et je ne serai pas surpris qu’il se fasse racheter par Amazon dans un avenir proche !
 

Fulfillment : le retour en grâce de l’imprimeur-producteur

Pour les « petits » imprimeurs – pour lesquels j’ai le plus grand respect – une fois le creux du premier trimestre surmonté, je pense que beaucoup d’opportunités vont s’ouvrir. Le développement des modèles fabless, du cloud printing, des plateformes diverses et variées, des marketplaces… va nécessiter de nombreux fabriquants, proches des clients. Pour ce type d’imprimeur, il y a beaucoup à gagner à développer un modèle d’imprimerie connectée et connectable, capable de récupérer des flux de commandes chez de multiples opérateurs, comme sur sa propre boutique, pour les dispatcher en dropshipping… L’avenir s’ouvre à celles et ceux qui seront capables de répondre à ces enjeux, et à repenser leur modèle économique et leur organisation dans cette vision.
 
Je vous souhaite en tout cas de tout cœur une belle année 2021, et je vous remercie toutes et tous pour votre fidélité.
 
Ludovic
 
 
 
 
Crédits photo : Image par Gerd Altmann de Pixabay