Marketeurs : demain tous programmateurs ?

Aujourd'hui, dans un environnement de plus en plus techniques, les marketeurs développent des trésors de débrouillardise pour accomplir les tâches qui leur incombent. La réduction de moyens conjuguée à un développement de leur périmètre d'intervention les obligent à être inventifs, et à comprendre des aspects de plus en plus techniques.

En effet, le boulot du marketeur commence souvent là où se termine celui du développeur. Or dans un environnement technologique où les solutions SaaS pullulent, l'intervention des "dévs" se cantonne souvent aux outils associés au cœur du métier. Pour le reste, il faut improviser.


Au fil des ans, j'ai ainsi vu des chefs de pubs, des responsables marketing, des chargés de webmarketing... apprendre à bidouiller leurs outils pour leur permettre de dialoguer avec d'autres plateformes, soit pour automatiser leurs flux de travail, soit pour consolider les données qu'ils avaient à exploiter. J'ai ainsi vu naître (et j'en ai accouché quelques-uns aussi) des workflows de nouvelle génération, mêlant des solutions totalement hétérogènes, des connecteurs "bidouillés", de l'huile de coude... et du fichier Excel. Forcément, sans Excel, pas de marketing.

Et le plus souvent, ça marche !

Aux développeurs les API, aux marketeurs les workflows

Il existe pourtant des solutions intégrées, censées faire "papa-maman". Mais avouons-le, la plupart des services marketing n'ont soit pas les budgets pour se les offrir, soit pas les ressources pour les exploiter, soit - troisième possibilité - pas la volonté d'utiliser une solution monolithique, préférant au couteau suisse une belle trousse à outils bien garnies d'instruments de précision (clin d’œil à image brevetée par mon pote Romain).
Alors qu'est-ce qui se produit dans un nombre croissant de situations ? Les marketeurs commencent à utiliser une plateforme d'envoi de mail, une autre pour gérer l'assistance client, une troisième pour piloter les réseaux sociaux, une quatrième pour analyser la fréquentation du site web, un cinquième pour la CRM... et à un moment donné, ils se disent que ça serait bien que tous ces petits silos discutent entre eux. Comme ils ne disposent d'aucune ressource de développement dédiée, soient ils font de l'import / export à la mano (bon courage), soit ils font preuve d'inventivité et d'esprit "GrowthHacker" en utilisant des connecteurs : et là, entrent en scène des solutions comme Zapier ou IFTTT.
D'un coup, les applications "étanches" s'ouvrent et se mettent à dialoguer entre elles. Des automatismes "cross-platform" deviennent possibles, et les marketeurs peuvent créer des workflows extrêmement puissants sans coder la moindre ligne, et sans quasiment dépenser d'argent. Le simple fruit d'une nouvelle forme d'intelligence, et surtout d'un état d'esprit focalisé sur la valeur ajoutée : ce schéma de pensée où dès qu'on fait 2 fois la même tâche d'affilée, on se dit qu'il y a moyen de l'automatiser et de laisser son ordinateur faire le job à sa place. Personnellement, j'adore regarder mon ordinateur bosser à ma place : ça a commencé à l'époque où j'étais graphiste et où j'ai découvert les scripts Photoshop. Voir son logiciel préféré faire tout le sale boulot, c'est particulièrement kiffant !

Est-ce la fin du développeur ? Sûrement pas. Les marketeurs n'ont pas vocation à créer du code ou à aller dans le cœur de la technique. Chacun son métier, d'autant qu'ils n'auraient aucune valeur ajoutée à le faire. Par contre, ils doivent pouvoir mettre en fonctionnement facilement les workflows qu'ils ont modélisé. Cela signifie qu'ils doivent monter en compétence, connaître les outils de connexions et savoir les paramétrer et les programmer.

Les développeurs eux, vont continuer à coder. Mais probablement moins du côté des outils intégrés, et plus du côté des API. Créer des services capables de réaliser efficacement une tâche, et rendre ses services ouverts à tout l'éco-système. Ensuite, charge aux marketeurs d'exploiter intelligemment ces services, et de les "plugger" à d'autres outils, pour se créer l'environnement dont ils ont besoin, exactement à leur main. Cela signifie que pour pouvoir augmenter considérablement leur productivité, les marketeurs vont devoir continuer à progresser en technique et en workflows, pour s'autonomiser.

Une préfiguration du futur de l'IT

Ce qui est train de naître dans les services marketing, on le retrouvera demain dans tous les services d'une organisation. Les grandes solutions logicielles totalement intégrées sont à mon avis probablement amenées à disparaître, ou du moins, à voir leur champ d'application se restreindre. Trop compliqué, trop lourd, trop lent... Les développeurs vont se consacrer aux activités métiers et au développement de webservices très spécialisés, là où leur valeur ajoutée sera la plus forte.

Les services métiers quant à eux, vont devoir apprendre à se prendre en main : monter en compétence, gagner en technicité, comprendre comment les choses fonctionnent et apprendre la programmatique. Pas la programmation, la programmatique : prenons l'exemple des objets connectés. Les développeurs vont rendre les objets intelligents et communicants. Mais ce ne sont pas eux qui programmeront ces objets, les feront discuter ou interagir. Cela, ce seront les utilisateurs qui devront le faire. C'est ça la programmatique, c'est le pilotage des services informatiques par des interfaces simples, mais puissantes.

D'une certaine façon, cela préfigure un changement de fond dans la relation à l'informatique au sein des entreprises : tout ne passera plus par la DSI. Celle-ci fournira un socle technique, mais les utilisateurs reprendront la maîtrise et le pilotage de leurs outils, à condition de mettre gentiment les mains dans le cambouis :-)