Le syndrome chinois

Je ne sais pas à quel âge j'ai vu ce film pour la première fois, mais je dois avouer que ce fut un choc. "Le syndrome chinois", film de fiction des années 70 qui prend des airs de récit d'anticipation aujourd'hui.
Comme tout le monde, je suis profondément attristé par ce que viennent de subir les japonais. Comme tout le monde, je suis inquiet pour leur avenir, immédiat comme plus lointain. Comme tout le monde, je m'interroge ce soir sur la filière nucléaire. Je ne me satisfais plus des discours rassurants sur cette exception française qui ferait de notre industrie nucléaire la plus sûre du monde. Ce qui se déroule aujourd'hui concerne l'un des pays les plus industrialisés du monde, dont les ingénieurs sont unanimement reconnus pour leur rigueur et leur sérieux. Je ne vois pas pourquoi nous serions meilleurs que nos frères japonais. Je ne vois pas pourquoi nous serions plus à l'abri qu'eux. Certes, nous ne vivons pas dans une zone sismique. Certes nos côtes ne sont pas à la merci d'un tsunami. Pourtant nous ne sommes pas à l'abri de cataclysmes : la décennie qui s'est écoulée en a cruellement témoigné. J'ai vécu en 1988 les inondations terribles qui ont frappé la ville de Nimes, j'ai vu à quel point l'homme était impuissant face aux éléments. J'ai vu aussi le résultat de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse : j'en déduis que nous ne sommes pas à l'abri d'un accident industriel, qu'il soit le fruit de la fatalité ou d'une accumulation d'erreurs.
Pour l'heure, nous ne pouvons qu'adresser nos prières au peuple japonais. Leur envoyer des dons pour leur venir en aide à titre individuel.

Mais demain, il faudrait que l'on s'interroge enfin sur nos choix énergétiques. De façon totalement transparente. Comment pouvons-nous garantir que nos sociétés auront toujours les moyens de financer la sécurité de nos installations nucléaires ? Quelles garanties avons-nous sur leur fiabilité ? Mais il ne faut pas être candide : remettre en cause le nucléaire implique d'accepter de réduire notre train de vie et notre confort quotidien.
Les avertissements se multiplient, il faut savoir les écouter : outre le cataclysme sans précédent qui vient de s'abattre sur le Japon, avec des conséquences qui restent encore inconnues, les révoltes populaires des pays arabes ont touché nos sociétés à leur talon d'Achille. L'Egypte avec le Canal de Suez, la Libye avec le pétrole : sous leurs apparences de force et de respectabilité, nos sociétés révèlent leur incroyable fragilité.

Il est temps de recouvrer la raison : revenir à des circuits courts, réduire notre consommation énergétique, réparer les dommages du passé et préparer un avenir aussi serein que possible pour nos enfants.

A l'heure de la campagne présidentielle qui s'annonce, j'ose espérer que ces questions feront l'objet d'un vrai et grand débat national
En attendant, toutes nos pensées doivent aller au peuple japonais.

Pour ceux qui le souhaitent, la Croix Rouge a ouvert une page de donation en ligne : croixrouge.fr