Vers une bipolarisation de l'industrie des arts graphiques ?
L'arrivée de l'iPad a précipité les grandes manœuvres dans le domaine de la publication cross-media. Je m'en fais l'écho depuis plusieurs semaines dans ce blog : l'industrie de l'édition et de la communication vient de découvrir avec l'iPad un nouveau débouché, et donc, une source potentielle de revenus en plein période de disette. Revenus générés par des abonnements spécifiques (voir mon post à ce sujet), ou par de nouveaux réseaux publicitaires.
Mais qui dit nouveau débouché dit “nouveaux outils pour atteindre ce débouché”.
Du côté de chez Quark comme chez Adobe, ce sont donc les grandes manœuvres qui ont commencées. L'enjeu ? Faire évoluer fissa fissa leurs logiciels de composition PAO pour qu'ils puissent adresser ce nouveau canal de communication.
Les deux éditeurs ont d'ailleurs publié chacun leur feuille de route pour les mois à venir (voir celle d'Adobe et celle de Quark). En gros, pour chaque éditeur, l'objectif est de permettre d'ici à fin 2010, de générer facilement des contenus adaptés :
- aux smartphones,
- aux tablettes,
- aux newsreaders,
- aux e-readers et e-books,
Mon sentiment, c’est que chaque éditeur réorganise son offre pour décliner son produit-phare (Quark Xpress et Indesign) afin d'atteindre 2 cibles :
- soit le consommateur final, en direct : le consommateur devient producteur, comme c'est le cas avec l'offre Quark Promote,
- soit des designers experts, “embedded” ou outsourcés, qui vont devenir les chefs d'orchestre de la publication multicanal, et qui sauront exploiter avec brio toutes les facettes de logiciels sophistiqués et complexes…
En d'autres termes, j'ai l'impression qu'Adobe et Quark passent d'une stratégie mono-produit / mono-clientèle (professionnels des arts graphiques) à une stratégie bi-produit / bi-clientèle : soit néophytes, soit experts.
La clientèle du milieu (freelances, petites agences, graphistes-à-tout-faire) semble donc plutôt mal barrée… C'est malheureusement ce que tendent à confirmer les chiffres des défaillances d'entreprises dans ce domaines, et les échos qui proviennent des forums spécialisés.
Cette orientation me conforte dans l’idée que le marché de la publication – au sens large – est en train de restructurer de manière bipolaire :
- soit les consommateurs sont capables de produire de manière simple leurs propres supports, auquel cas ils vont utiliser les outils appropriés, disponibles sur le web, sans faire appel à un prestataire externe…
- soit les consommateurs sont à la recherche de réponses sur-mesure, avec ou sans stratégie multicanal, auquel cas ils feront appel à des experts. Experts qui pourront être soit des agences spécialisées, soit des équipes internes, soit des imprimeurs… En effet, l'imprimeur, avec sa dimension industrielle, son assise et son patrimoine rassure, dans cette période où les entreprises, en particulier dans le domaine de la comm', sont très fragiles.
D'ici à 3-4 ans, je vois donc bien le tableau suivant se dessiner à l'horizon :
- les agences vont se recentrer sur le cœur de métier : la stratégie, le conseil et le design,
- pour la publication multicanal, les annonceurs auront le choix entre internaliser des solutions et former leurs équipes internes, ou externaliser le process, en le confiant pourquoi pas aux imprimeurs qui auront su franchir le cap, en passant du statut d'imprimeur-fournisseur à celui d'imprimeur-éditeur multicanal,
- enfin, pour la production quotidienne de supports de communication, les entreprises et institutions pourront générer elles-mêmes la plupart de leur documents, que ce soit en version électronique ou papier, à partir de plateformes dédiées…
Donc si votre gamin vous dit qu'il envisage une carrière dans le graphisme, réfléchissez bien dans quelle école vous allez l'envoyer…
Et vous, quelle est votre opinion à ce sujet ?