Le graphiste face au web-to-print

Pas facile d'exercer le métier de graphiste aujourd'hui, que ce soit en entreprise ou en tant qu'indépendant. Les débouchés se raréfient et les menaces se multiplient. Parmi les vecteurs qui ont entraîné une mutation du métier, il y a nécessairement le web-to-print. En effet, le Do It Yourself a banalisé le rôle du graphiste en donnant l'impression que "tout le monde pouvait le faire". Et les bas-coûts entraînés par l'automatisation des processus de mise en page ont généré une remise en cause des tarifs de PAO par les clients.
Alors quelle attitude adopter en tant que graphiste face à ces nouveaux outils ?
Personnellement, je distingue 4 stratégies possibles.
1.LA STRATÈGIE DE LA RENONCIATION
On va tous mourir. Le métier est fini. Autant aller de suite apprendre à élever des chèvres... Je caricature, mais c'est parfois la réaction que l'on observe. Je pense que c'est une erreur de penser cela, sauf si l'on exerce principalement son métier dans le cadre de tâches répétitives à faible valeur ajoutée : montage de pages au kilomètre, coulage de texte, mise en page de documents gabarisés. Si c'est le cas, il faut en effet vous remettre en cause, mais sans renoncer. Plutôt en essayant de trouver un moyen de vous différencier par le haut.
2. STRATÉGIE DE L'OPPOSITION
Il y a ceux qui rejettent sciemment les systèmes web-to-print et qui le revendiquent haut et fort pour mieux valoriser leur métier. Au prêt-à-porter incarné par le w2p ils opposent le "cousu-main". C'est une stratégie payante car différenciante et pédagogique : elle explique au client qu'il y a PAO et PAO, et que tout n'est pas à mettre dans le même sac. Elle est d'autant plus pertinente si vos clients recherchent avant tout du sur-mesure. Mais la contrepartie de cette stratégie est qu'il faut savoir communiquer, argumenter et expliquer pour convaincre.
3. STRATÉGIE DE L'ACCEPTATION
Certaines agences ou freelances considèrent le web-to-print avec distance, considérant qu'il s'agit juste d'un truc de plus. Les clients qu'ils seraient susceptibles de perdre seront compensés par l'apport de nouveaux clients issus du web ou des réseaux sociaux. Donc ils continuent de faire leur train-train à leur rythme. A noter que ce sont plutôt les graphistes polyvalents print-web qui adoptent cette.attitude.
4. LA STRATÉGIE DE LA DOMINATION
Les clients veulent du web-to-print ? Et bien nous allons leur en donner. Bon nombre d'agences ou de services PAO internes ont décidé de franchir le pas en s'équipant eux-mêmes pour anticiper les demandes du marché. Mais pas que. Ils considèrent souvent à raison qu'il s'agit d'un bon moyen d'éduquer les clients en leur montrant que le w2p n'est pas la panacée universelle. En résumé, je lache les cartes de visite que le client se fera désormais tout seul, mais sur MA plateforme. Mais par contre, les brochures ou le journal d'entreprise continuent d'être faits à la mano, et je vends cette prestation au prix juste.
Je pense qu'il s'agit de la meilleure approche, car elle évite de perdre des clients tout en les verrouillant via le web-to-print, en valorisant les tâches à forte valeur ajoutée et en entamant une relation globale de prestataire à 360 degrés.
SE FOCALISER SUR VOTRE VRAIE VALEUR AJOUTÉE
Le web-to-print bouleverse profondément notre métier, c'est un fait désormais. Il n'est pas pour autant la cause de tous vos maux. Il ne constitue pas un progrès mais juste une évolution, comme le Mac et Quark Xpress ont pu en être une dans les années 80. Il faut donc en tenir compte et s'interroger sur la valeur ajoutée du métier que vous exercez au quotidien. Savoir lacher ce qui n'en a que peu pour se concentrer et mettre en valeur ce qui vous différencie. Amener le jeu sur un terrain qui vous sera favorable, comme celui de la relation, du service, de la créativité et du fait-main. Bref, appliquer les principes de la stratègie Océan Bleu chère à mon ami Yves de Ternay.
Une seule chose est sûre : ceux qui ignorent ces mutations et qui continuent sans se poser de question, en considérant le web-to-print et le e-printing comme des concurrents, ceux-là sont voués à disparaître.
Quant à celles et ceux qui pensent que le métier est foutu, je répondrai qu'il évolue... Au gré des mutations du marketing, le graphiste passe du rôle de concepteur à celui d'un consultant multicanal. Certes il y perdra un peu en créativité. Mais je suis sûr qu'il y gagnera en niveau de vie, le conseil et l'expertise se vendant mieux que la conception.
Sur ce, joyeux Noël à toutes et à tous !