L'agilité est un état d'esprit, comme le punk !


L'agilité, cela fait de nombreuses années qu'on en parle dans les entreprises comme LA recette magique à tous les maux d'organisation. Les théoriciens ne manquent pas et un certain nombre de consultants a fait son beurre sur ce sujet. Beaucoup d'entreprises ont essayé d'entamer leur mue, certaines avec succès, d'autres avec pertes et fracas.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'agilité ce n'est pas une méthode. Ce n'est pas une technique. Ce n'est pas un mode d'organisation. L'agilité c'est avant tout un état d'esprit : on l'a ou on ne l'a pas.

Il n'y a jamais eu d'école de Punk.

Le punk-rock a déboulé à la fin des années 70 sans prévenir personne. Des mauvais garçons (et filles) se sont emparés des guitares, des basses et des batteries, et ils ont inventé une musique sans connaître les notes et les accords. En parallèle, ils ont inventé un style de vie, en contrepied à la culture dominante, en rejetant les règles et les carcans édictés par les générations précédentes. Ils n'ont posé aucune règle, si ce n'est de faire de la musique et de vivre en liberté en rêvant de changer de société. Des beatniks à crête avec de la musique qui pique les oreilles, en somme.



L'industrie du disque n'a rien vu venir, les détecteurs de tendance non plus. Et quand ils ont essayé de s'en emparer, ils n'y sont pas arrivé. Parce que le punk, ça ne s'apprend pas, ça ne se théorise pas. Le punk, c'est un état d'esprit, une façon de regarder le monde qui nous entoure. Etre punk, ça ne s'apprend pas, c'est une façon de voir la vie. On peut être punk à 20, 30, 50 ou 70 ans. On a été punk en 1980, en 1992 ou au XVIIIè siècle. Beaucoup considèrent Mozart comme un punk, c'est vous dire.

Mon plombier est agile. Si si.

L'agilité dans le monde de l'entreprise, c'est une question état d'esprit. Pas de méthodes ou d'organisation. Ce n'est pas parce que vous parlez à longueur de journée de daily, de sprints ou de stories que vous êtes agiles. A l'inverse, je connais des entreprises ou des métiers en apparence hyper-classiques dans lesquels chaque employé fait preuve d'une agilité ahurissante pour satisfaire ses clients et démêler les nœuds. Regardez les métiers de la logistique et du transport par exemple.
Certes, l'agilité est très liée au monde du développement informatique, puisque c'est cette industrie qui l'a théorisée. Mais sa philosophie va au-delà du code et de la gestion de projet, elle peut nourrir n'importe quelle organisation.

Revenir aux origines des manifestes du Punk et de l'Agile

Trop souvent, l'agilité est caricaturée par la mise en avant de gimmicks, de jargon et de recettes toutes-prêtes. Comme souvent, il faut revenir aux origines pour comprendre sa philosophie.
Prenons l'exemple du manifeste Agile, voici ce qu'il dit :

  • Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils
  • Des logiciels opérationnels plus qu’une documentation exhaustive
  • La collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle
  • L’adaptation au changement plus que le suivi d’un plan
Si l'on synthétise, on trouve dans les préceptes de l'agilité : l'humain en premier, la communication directe entre personnes, l'efficacité, l'échange et l'adaptation à l'environnement, sans règles pré-établies. Pour certains, ça peut paraître bordélique. Mais c'est pourtant limpide.

Greg Graffin dans son manifeste du mouvement punk a écrit : "Les punks cherchent constamment à s'améliorer, tels les pionniers d'un genre humain, dont ils pourraient bien changer la face. Ils souscrivent aux principes innés et universels du sentiment humain, qui s'imposent à tous ; ils fuient les codes de conduite des élites et les ordres secrètement établis. Ils représentent un espoir pour le futur, en dénonçant les contradictions du passé. Ne leur dites pas ce qu'ils doivent faire, ils vous auront devancés." (texte original et traduction en français)

Je ne sais pas vous, mais moi je trouve qu'il y a beaucoup de parallèles entre ces deux pensées. Améliorer sa micro-société en portant un regard critique, s'adapter à l'environnement en anticipant ses métamorphoses, provoquer le changement plutôt que de le subir. Finalement, c'est très proche.

Adopter la punk-attitude, comme à Reykjavik

Forcément, les kepons à crête et à chien, ce n'est pas l'image rêvée du cadre en entreprise. Ni du gendre idéal. Mais ce qui compte, c'est ce qu'il y a sous la crête, dans la tête. Et puis la pensée punk, comme l'agilité, ça produit des résultats insoupçonnés. De 2010 à 2014, les punks ont pris le pouvoir dans la capitale islandaise, avec un succès surprenant. Ils ont assaini les finances publiques, lancé des innovations révolutionnaires, juste en écoutant la population et en inventant des solutions pragmatiques. Une belle leçon d'agilité.



Quand je regarde certaines équipes de développement ou de marketing, je vois des bandes de punk. Ils inventent leurs règles, ils ont leurs codes, ils font parfois peur aux plus anciens. Mais ils sont fondamentalement gentils, ils sont passionnés par le monde qui les entoure, ils ont envie de faire progresser la société. Et parfois ils ont des goûts vestimentaires douteux, tels que le port du bermuda sur chaussures montantes (là je parle des dévs ;-)

****

En conclusion, ne soyez pas impressionnés, intrigués ou désarçonnés par l'agilité. Dites-vous que vous êtes agiles, et faites comme les punks : vous avez envie de faire de la musique ? Prenez une guitare et allez-y, faites-vous plaisir. Ne vous souciez pas des règles et des conventions. Ne vous dites pas que vous faites mal de l'agilité par ce que vous ne respectez pas telle ou telle façon de faire.

C'est à vous d'inventer votre agilité avec vos collaborateurs : inspirez-vous de ce qui fonctionne, ayez à l'esprit la philosophie première, regardez dans la boîte à outils ce qui existe, et créez les moyens de votre propre agilité, en gardant à l'esprit l'essentiel : collaborer pour mieux servir l'humain.


Si vous avez envie d'aller plus loin sur le sujet, je vous conseille cette vidéo : Agile is Dead, de Dave Thomas.