Stratégie : faut-il rester focalisé sur le web2print ou pivoter vers du IA2Print ?
En 2025, faut-il encore investir dans un site web2Print, ou bien tout miser sur l’IA ? Décryptage
Le eCommerce est en train de vivre une véritable révolution : après celle des années 2010 lorsque la publicité payante s’est emparée des moteurs de recherche, la vague de l’IA est en train de bouleverser les parcours d’achat et la façon dont les consommateurs, particuliers comme professionnels, appréhendent leur sourcing et la comparaison de produits. Parallèlement, on assiste à une autre vague dérivée de l’IA, celle de l’agentique : des micro-robots, dédiés à des tâches précises, qui s’intègrent à des flux de travail pour automatiser des tâches en interagissant avec différents composants logiciels. Cette vague-là transforme l’approche des développements informatiques, et la manière dont les projets sont désormais conçus. Dans ce contexte, de nombreux imprimeurs se demandent s’il est encore utile d’investir dans un site de vente en ligne « classique », ou s’il ne vaut mieux pas focaliser énergies et investissements sur une stratégie centrée sur l’IA. Comme souvent dans de tels cas, la réponse n’est pas simple, et dépend fortement des segments de clientèle que vous visez. Je vous livre quelques éclairages qui, je l’espère, vous aideront à affiner votre stratégie.
POUR UNE APPROCHE IA-CENTRÉE
Voici 5 arguments qui plaident selon moi pour donner la priorité à une stratégie centrée sur l’IA :
1) Le règne de ChatGPT dans le search : même si ChatGPT ne capte encore qu’une minorité des recherches, différentes études montrent que son taux d’adoption croit de manière fulgurante, en particulier chez les plus jeunes des consommateurs. Concrètement, il commence à supplanter Google et Bing dans leurs versions traditionnelles pour obtenir des réponses, et de leur côté, ces deux moteurs de recherche privilégient désormais en Top#1 les réponses générées par leurs propres IA, Gemini et Copilot. Cela signifie que la façon de rechercher, de sourcer et de naviguer évolue profondément, avec l’émergence d’un phénomène dont j’ai déjà parlé : le ZÉRO CLICK. L’utilisateur questionne son chatbot IA préféré, et il se contente de sa réponse, sans visiter les sites web. Dans ce contexte, à quoi bon continuer à développer un site web coûteux à concevoir et à maintenir ?
2) L’émergence du ShoppingGPT dans les nouveaux navigateurs : ChatGPT, Perplexity ou Gemini ne limitent pas leurs ambitions à simplement supplanter les moteurs de recherche. Leurs dirigeants veulent les imposer dans la sphère du eCommerce, et pour cela, ils nouent des partenariats avec Shopify ou Paypal pour créer un cycle de recherche et d’achat totalement en autarcie, dans leurs IA. D’ici peu, vous dialoguerez avec ChatGPT pour lui expliquer votre besoin (une nouvelle cafetière, un nouveau pantalon ou des cartes de visite en urgence pour votre prochain salon) et il vous conseillera 3 ou 4 produits, que vous pourrez commander directement dans le prompt, ou à la voix. Votre wallet Paypal ou Apple Pay sera automatiquement débité, sans action particulière de votre part. Là aussi, on s’oriente droit vers du Shopping Zéro Click, ce qui milite pour une stratégie IT qui focalise ses moyens sur la génération de flux produits totalement optimisés pour les IA, plutôt que sur un site web2print « classique ».
3) Agents et automatismes : si vous vous intéressez un tant soit peu à l’IA, il y a fort à parier que votre fil Linkedin ou X soit rempli de conseils de « gourous » plus ou moins inspirés, qui vous expliquent comment ils mènent la belle vie à Dubaï grâce à tous les automatismes IA qu’ils ont créé sur n8n, Make ou Zapier. Même s’il y a beaucoup de bullshit là-dedans, une chose est sûre : le low-code, le vibe coding et l’automatisation se développent très vite, et transforment durablement la manière dont les projets informatiques sont abordés. Avant de se lancer dans des développements longs et coûteux, les décideurs et directeurs de projets vont évaluer ce qu’il est possible de faire via des automatismes, en utilisant des ressources différentes. Je ne crois pas que ces automatismes et ces IA de coding remplacent les développeurs informatiques, je pense plutôt qu’elles vont permettre de paralléliser des tâches en en confiant certaines à des concepteurs de workflows. Pour les eCommerçants, cette nouvelle réalité va nécessiter d’exister comme agents, au sein des plateformes d’automatisation.
4) Interconnexions de protocoles MCP et d’API : en complément du point précédent, de nouveaux langages universels sont en train de naître pour standardiser les échanges entre IA, ou entre agents et API. S’ils sont encore balbutiant, ils seront incontournables dans quelques temps. Cela pose clairement la question de l’allocation de moyens et de budgets : plutôt que d’investir dans un site web, ne faut-il pas plutôt développer ses API, créer et publier des agents IA et publier son modèle MCP ?
5) First-mover advantage : le dernier point en faveur d’une stratégie centrée sur l’IA, c’est le « bonus » dont bénéficient les précurseurs. Les premiers imprimeurs qui adopteront la vague de l’IA en centrant leur stratégie dessus disposeront d’un avantage qui sera difficile à rattraper, en termes de visibilité, de compréhension et de maturité. L’exemple de Canva illustre cette avance : même en adoptant une marche forcée et en investissant massivement, ses concurrents ont du mal à le rattraper.
POUR UNE APPROCHE WEB2PRINT-CENTRÉE
Étudions maintenant les arguments qui militent en faveur d’une stratégie centrée sur un site web2print, pour les imprimeries qui n’en disposeraient pas encore ou qui devraient en changer. Voici 5 arguments en faveur de cette approche :
1) Le poids des habitudes : certes, ChatGPT, Gemini et Perplexity vont transformer la manière d’acheter en ligne. Mais cela va prendre du temps, et pendant un bon moment, cela ne va concerner que des « early adopters » avides de nouveautés. Les clients traditionnels, qui, pour certains entament à peine leur transition digitale, ont besoin de leurs repères, avec un bon « vieux » site web, un moteur de recherche et un tunnel d’achat rassurant. Cela signifie qu’il faut que vous investissiez sur l’expérience de recherche, la qualité et la rapidité de votre tunnel d’achat, et la « rassurance » de vos clients.
2) GEO = SEO. OK, ChatGPT va devenir incontournable, et demain, on ne cherchera plus de la même façon. Mais ce qui est sûr, c’est que pour être visible dans Perplexity, ChatGPT ou Copilot, votre SEO devra être impeccable. Eh oui, à peu de choses près, le référencement dans une IA se base sur les mêmes bonnes pratiques que pour ce bon vieux SEO. Donc votre site web d’aujourd’hui est essentiel pour être visible demain dans les IA.
3) Créer et animer sa communauté client : les gourous de l’IA qui annoncent la fin du e-Commerce classique et l’avènement du Shopping GPT oublient un élément important. Certes, le cycle de recherche et de navigation va être probablement bouleversé, mais je pense que cela ne concernera que l’acquisition en première intention. Or tout bon eCommerçant le sait, la clé de son succès réside dans la fidélisation et la répétition : et ça, seul un site web, surtout s’il offre une expérience communautaire, peut le créer. Je crains que le Shopping GPT ne se limite qu’aux achats d’impulsion. Pour le B2B, ou l’achat de répétition, les sites web ont encore de beaux jours devant eux.
4) Cultiver sa différence : si à l’avenir, le eCommerce passe majoritairement via ChatGPT, Claude ou Perplexity, nous assisterons à un nivellement total de l’expérience d’achat, dans un format imposé par les IA. Un peu à la manière de ce que l’on peut déjà observer sous certains aspects dans Google Shopping : standardisation des affichages et des visuels, caractéristiques imposées, formatage très normalisé. Disposer de son propre site web, c’est pouvoir imaginer et concevoir une expérience d’achat spécifique, adaptée à sa clientèle et à la typologie de produits vendus. C’est aussi pouvoir créer des expériences clients personnalisées et des produits hors normes, différents des standards imposés par les marketplaces.
5) Ne pas dépendre de flux d’acquisition payants : enfin, dernier point mais pas des moindres. Si des ruses de sioux permettront de ressortir en organique dans les IA, il y a fort à parier que le modèle dominant sera rapidement celui d’enchères publicitaires, dans un modèles « pay-to-be-viewed ». Les sites qui dépendent déjà trop majoritairement des canaux d’acquisition payants sont en péril à long terme : et demain, ce sera encore pire avec les IA. Le fait de disposer de son propre site permet de créer une vraie stratégie d’acquisition multicanale, avec un mix équilibré entre organique, payant et « earned » media, grâce à de la notoriété ou du marketing de contenu intelligent et pertinent.
EN CONCLUSION : ANTICIPEZ, MAIS INTELLIGEMMENT ET SANS PRÉCIPITATION
Le futur du eCommerce se dessine, et il est essentiel de l’anticiper pour ne pas louper le coche. Mais attention à ne pas se précipiter : les tendances, les modèles, les architectures ne sont pas encore totalement figées, et globalement le monde de l’IA générative manque de maturité. Il me semble prématuré de se jeter à corps perdu dans une stratégie totalement IA-centrée, à moins que votre clientèle soit très jeune et très geek, ou que votre offre produit soit particulièrement adaptée à cet univers. Je vous recommande plutôt d’optimiser votre expérience web, en anticipant le monde de demain, et en choisissant des technologies qui constitueront un atout lorsque (ou si) le Shopping GPT se sera imposé.
Dans ce futur incertain, une chose ne changera pas : restez focalisés sur vos clients, soyez visibles sur les canaux qu’ils utilisent, et répondez à leurs attentes avec l’expérience la plus qualitative possible. Et évitez de trop dépendre des canaux payants…