"Crise" de la presse : le contre-exemple du Canard Enchaîné.

La presse va mal, les revenus publicitaires diminuent, les abonnés sont volatils et les canaux de diffusion, pour ne pas dire les rédactions elles-mêmes, se concurrencent au sein d'un même titre.

Depuis presque 15 ans, chaque nouvelle mode est considérée comme étant LA planche de salut de la presse : d'abord, ce fut le cas du web, qui devait faire exploser les recettes publicitaires. Puis ce furent les smartphones, qui promettaient de draîner une nouvelle clientèle. Aujourd'hui, le sauveur s'appelle iPad ou Kindle. Et demain, ce sera quoi ?

A mon avis, le problème de fond est avant tout un problème de contenu et de modèle économique. Trop de journaux et de magazines se sont lancés dans une course effrénée à la pub, ce qui les a attiré dans une spirale infernale : augmenter la pagination pour accroître l'espace publicitaire disponible, ce qui oblige ensuite à faire du remplissage avec des contenus faiblement intéressants. Puis devenir victime de cette pagination qui augmente les coûts de production, et chercher en vain des supports moins coûteux à produire. C'est ainsi qu'on se retrouve avec des mags de 60 pages, dont 30 de pubs, avec 50% de rubriques à la noix achetées directement à des régies de contenus qui servent à tous la même soupe industrielle...

Je crois qu'il en est dans la presse comme dans la cuisjne : la réussite d'un plat dépend pour beaucoup de la qualité de ses ingrédients.

J'en veux pour preuve l'exemple du Canard Enchaîné. Depuis bientôt 100 ans, il reste fidèle au même modèle économique : pas de recettes publicitaires, une source de revenus unique (ventes en kiosque et par abonnement) et une ligne éditoriale qui n'a pas bougé d'un iota.
Le Canard Enchaîné privilégie la qualité de ses contenus qu'il défend bec et ongles (enfin bec et palmes). Il a décidé de rejeter les formats numériques pour ne pas se "diluer". Il reste fidèle au papier car il considère qu'il s'agit du support le mieux adapté à son lectorat, et probablement le plus noble. Sans compter que depuis le temps, le papier est un format qu'il maîtrise parfaitement en matière de fabrication, alors que le digital obligerait à acquérir de nouvelles compétences.
Quant à sa maquette, elle n'a pas dû évoluer depuis bien des années voire des décennies. Je me demande même si la mise en page est faite à l'ordinateur ;-)

Ce que certains seraient tentés d'appeler un anachronisme est pourtant une belle réussite économique. Le Canard est rentable, autonome et indépendant. Et à ma connaissance, n'a jamais dû procéder à des plans sociaux.  Ce "pure player" mise tout sur la qualité, la stabilité, la durée et la fidélité. Et ça marche.

Dans un monde en perpétuel mouvement, ce genre de titres constitue un repère stable et rassurant pour les lecteurs.

Personnellement, et au-delà des opinions politiques, je crois que beaucoup de rédacteurs en chef devraient s'en inspirer, en s'interrogeant sur ce qu'ils veulent faire avant de se questionner sur la façon de faire. Le QUOI avant de COMMENT, le FOND avant la FORME...