Vistaprint change de nom, rachète Crello et DepositPhoto pour mieux contrer Canva

 
Grosse annonce hier soir lors de la présentation des résultats trimestriels de Cimpress. Robert Keane a en effet annoncé un pivot stratégique pour la marque phare du groupe, Vistaprint. 
 

Nouvelle marque… sans print

Premier élément de stratégie, le changement de marque de Vistaprint, qui devient plus simplement « Vista ». Le print ne disparait pas totalement de l’offre, mais il reste en tant que service proposé aux clients. Vista devient quant à elle une plateforme marketing multicanal, intégrant de la création de contenus (j’y reviendrai), des échanges avec des designers et de la publication sur des canaux, qu’ils soient digitaux ou print.
 

Rachat de Crello et DepositPhoto

Dans la lignée de ce rebranding, Robert Keane a dévoilé un nouveau service de création en ligne, appelé « VistaCreate ». Ce service n’est ni plus ni moins que le bien connu concurrent de Canva, Crello, que Cimpress vient de racheter avec sa société-sœur, DepositPhoto. Avec cette nouvelle acquisition, Cimpress renforce son offre de service de création en ligne et de contenus, grâce à l’une des banques d’images les plus importantes du marché (plus de 200 millions de visuels).
VistaCreate est déjà en place, disponible en version Freemium (offre de démarrage gratuite, puis version supérieure payante)
 

Nouveaux services digitaux

Vista a dévoilé de nouveaux services qui progressivement vont se déployer dans les mois qui viennent :
  • Vista+Wix : les sites actuels créés avec Vistaprint Websites vont migrer sous Wix, et le partenariat entre les deux société va encore être renforcé
  • 99designs by Vista : l’offre de recours à des designers ou d’achat de templates créatifs va être encore plus étroitement intégrée à l’éco-système Vista
  • VistaConnect : un nouveau service actuellement en test en ßeta, pour faciliter la connectivité des cartes de visites
  • Nouvelle plateforme web : en test au Canada, le nouveau site de Vista mettra en avant une nouvelle ergonomie, de nouvelles fonctionnalités de recherche, de nouveaux produits et proposera une bibliothèque de plus de 3 millions d’icônes
 

Une évolution stratégique majeure face à Canva

Ce mouvement est majeur pour Cimpress. Déjà entamé avec l’acquisition de 99 Designs, il montre que le centre de gravité du groupe se déplace de l’impression vers la création de contenus et le digital. Avec l’acquisition de Crello et DepositPhoto et les nouveaux services dévoilés, Vista devient ainsi un éco-système créatif qui va au-delà du do-it-yourself… Il offre en effet une réponse multi-facettes aux besoins de marketing des professionnels avec 3 niveaux de service  :
  • Do-it-Yourself : marketing en self-service, avec VistaCreate pour réaliser ses designs, acheter ses visuels ou des templates à personnaliser sur 99 designs… ou gérer ses médias via un DAM intégré
  • Do-it-With-Help : service d’assistance à la création, via notamment 99 designs
  • Do-it-For-You : prise en charge de la conception et/ou de la publication des contenus créatifs, via 99 designs, VistaPrint ou le partenariat avec Wix pour le digital…
 
On sent que la cible est clairement Canva, dont la croissance ces dernières années et l’ouverture au print commençait à faire de l’ombre aux géants du web-to-print. On constate qu’avec cette stratégie, Vista va plus loin que Canva avec une offre plus complète et plus riche. Mais est-ce que ça fonctionnera ? L’histoire des startups du digital nous a enseigné qu’il y avait toujours un « First-Mover Advantage » (ce que j’appelle la prime au pionnier), et que lorsqu’une marque était installée, il était difficile d’aller la déloger. C’est le cas de Canva, qui est devenu un vrai « réflexe » pour beaucoup de marketeurs et graphiste en herbe. Même si elle dispose de la base utilisateurs de Crello, Vista va devoir aller conquérir de nouveaux clients avec une nouvelle marque à construire quasiment de zéro…
 

Un revenu en hausse de 9% sur Q1

 
Même si les annonces autour de Vista ont focalisé une grande partie de l’annonce de Cimpress, le rendez-vous d’hier consistait aussi à faire le point sur la situation du groupe. Globalement, le revenu est en hausse, à 657 M.$ contre 633 M.$ l’an passé à la même époque. Mais la situation est très différente d’une division à l’autre : 
  • Vista est en croissance, comme la division PrintBrothers (WirchmachenDruck, Druck et Printdeal) à +6%
  • The Print Group (Pixartprinting, Exaprint, Easyflyer, Tradeprint) est en baisse de -5% ainsi que National Pen à -4% à devise constante
A l’inverse, les résultats (EBITDA) progressent quasiment sur toutes les divisions… sauf Vista, dont l’Ebitda diminue nettement. A noter que près de 14% du revenu de Vista restent consacrés à la publicité, et avec ce mouvement stratégique et la bataille qui s’annonce face à Canva, ce niveau risque d’augmenter.
 
 

Vers un UberDesign ?

A l’image du mouvement stratégique de Cimpress, il semble que le front se déplace de l’imprimerie à la création de contenu, qui devient le nerf de la guerre. La multiplication de services de conception en ligne chez les opérateurs de web-to-print, le mouvement de Canva vers le Print intégré à son offre… tout cela crée une nouvelle dynamique. Est-ce la bonne ? Difficile à dire. En tant que graphiste dans l’âme, je reste convaincu que le professionnel de proximité a un rôle à jouer en matière de design, mais c’est clairement vers un modèle uberisé du design que l’on semble se diriger, tant dans le self-service que dans la création assistée, via des marketplaces de mise en relation de créatifs.
La question que je me pose, c’est ce qu’il adviendra des BU de Cimpress qui ont intégré Canva (Exaprint Espagne, Tradeprint), tant la guerre semble déclarée entre Cimpress et Canva… Ce sera intéressant à observer.
 
Pour la filière de l’imprimerie, cela soulève des questions : se dirige-t’on vers un Uber de la communication… et du Print ? Quelle alternative proposer et comment continuer à exister ? Il faut s’inspirer de l'’exemple de certaines compagnies de taxi comme G7 qui ont su se réadapter, grâce à des services digitaux, une qualité de service supérieure – voire Premium – et des prix plus clairs. J’en parlais déjà en 2016 sur ce blog
 
Source : Cimpress IR