Quelle plateforme ou quel CMS choisir pour son imprimerie en ligne ?

 
Pendant longtemps, lancer un site d’imprimerie en ligne a consisté à « simplement » ajouter un module de personnalisation de modèles (templates) à une boutique en ligne grand public, pour permettre à ses clients de « customiser » en ligne les documents proposés avant de pouvoir les commander. Les fiches produits étaient assez basiques, avec de simples tableaux présentant en lignes des quantités, et en colonnes des variations de délais ou de matière. Aujourd’hui, ce type de fonctionnement basique ne suffit plus pour répondre aux besoins de la clientèle qui achète du print en ligne. De grandes quantités d’options doivent être proposées en formats, matières, finitions, délais d’expéditions… Les produits standards doivent être complétés par des offres sur-mesure avec des champs de saisie libres, et des calculs de prix instantanés. Et la plateforme web-to-print doit être interconnectée avec l’ERP ou le MIS de l’imprimeur pour informer son client en temps réel de l’avancement de la production.
Bref, de mon point de vue, l’imprimerie en ligne constitue le degré le plus élevé de complexité technologique dans le eCommerce… Voyons pourquoi en détail…
 
 

La particularité de l’imprimerie en ligne ? Le e-commerce à la demande.

99% du eCommerce mondial consiste à expédier des produits manufacturés

Cela semble une évidence, mais effectivement, la grande majorité des marchandises achetées et expédiées en eCommerce sont des produits manufacturés. Cela signifie qu’ils sont déjà en stock, avant que la commande soit passée : ils sont étiquettés, codés, stockés… avec un nombre restreint d’options. Concrètement, cela s’apparente à du prêt à porter : le client voit tout ce que le commerçant lui propose en rayon, il choisit le produit qui lui convient et il passe à la caisse. Ce principe s’applique à tous les canaux d’achat en ligne : sites eCommerce, marketplaces, applications mobiles… l’écrasante majorité des marchandises échangés sont manufacturées à l’avance. Ce n’est que très rarement que la production est déclenchée à la commande.
 

L’imprimerie en ligne, un environnement de fabrication à la demande

C’est sur ce point que l’imprimerie se différencie des autres secteurs industriels : imaginez que la paire de sneakers que vous commandez en ligne ne soit fabriquée qu’après le paiement… Cela paraît impensable ! Et pourtant, concrètement c’est le quotidien des imprimeurs qui vendent sur le web. Ils proposent des composants à leurs clients, qui vont créer la combinaison de leur choix, en y ajoutant leur création graphique. C’est très concrètement de la production à la demande, totalement personnalisée puisqu’à part le papier, aucun composant ne peut être préfabriqué.
 

Hybridation entre produits semi-standardisés et fabrication à la demande

Contrairement à l’automobile ou à certains secteurs industriels dans lesquels les produits personnalisés reposent en réalité sur un assemblage de composants préfabriqués, dans l’imprimerie en ligne 
Dans l’imprimerie en ligne, lorsqu’on parle de produit standard, il s’agit en réalité uniquement de configuration prédéfinie, avec des options dont les combinaisons sont optimisées en vue d’obtenir de meilleurs tarifs grâce – le plus souvent – à l’amalgame. Il ne s’agit donc quasiment jamais de produits prêts-à-consommer. Parallèlement, en complément de configurations prédéfinies, l’imprimeur doit être capable, via sa plateforme en ligne, de répondre à des demandes 100% sur-mesure, via des formulaires de devis.
 

Millions de combinaisons possibles

Au fur et à mesure de l’enrichissement de l’offre proposée par les imprimeurs en ligne, et au gré des innovations dans les technologies d’impression, les catalogues des imprimeurs en ligne se sont étoffés. Au point aujourd’hui, qu’avec les options, les déclinaisons, les variations de matières et de finitions, il n’est pas rare d’obtenir des millions de combinaisons de références, bien au-delà de ce qu’un eCommerçant classique doit gérer pour son activité.
 

Problématique de gestion des fichiers : upload, rendering, stockage, personnalisation en ligne…

Parmi ce qui contribue à rendre l’imprimerie en ligne si particulière, la question des fichiers est importante : sans fichier, pas d’impression. Qu’il soit fourni par le client, créé par un designer ou réalisé en ligne, à partir d’un modèle, le fichier doit accompagner la commande en respectant le cahier des charges de l’imprimeur. Or un fichier prépresse peut rapidement « peser » un poids important, et les traitements d’analyse qu’on lui fait subir (appelés preflight) contribuent à complexifier le parcours d’achat. Sans oublier les fichiers de données variables pour les documents spécifiques… Cette gestion des fichiers est spécifique à l’imprimerie, car dans les autres secteurs du eCommerce, il n’est quasiment jamais demandé de transmettre des fichiers dans le tunnel de commande. 
 

Synchronisation de la production avec les ERP

Autre élément à prendre en considération, c’est la synchronisation des commandes avec les étapes de production. Généralement, toutes les plateformes de eCommerce sont connectées aux ERP pour « faire avancer » les commandes et recueillir les informations d’expéditions. Mais compte-tenu du fait que dans l’impirmerie en ligne, les commandes sont imprimées après la fin du panier, les étapes de statuts sont plus nombreuses, et les workflows plus sophistiqués, avec de nombreux cas de figures à gérer. D’autant que potentiellement, un panier multi-articles peut générer autant de commandes individuelles, qui chacune vont suivre un cycle de vie propre, parfois dans des ateliers différents. Cette granularité très fine dans la gestion des statuts et l’automatisation des workflows constitue également une signature de l’imprimerie en ligne.
 

Colis hors normes… et en marque blanche 

Le papier, on le sait, c’est lourd et volumineux. En conséquence, certaines commandes nécessitent de voyager par des voies différentes des transporteurs express habituels. Cela nécessite de disposer d’une plateforme capable d’allouer des transporteurs différents selon des règles, pour adapter la logistique au poids et à l’encombrement des colis. Autre particularité qui, si elle n’est pas propre à l’imprimerie, reste commune dans ce domaine, c’est l’envoi en marque blanche : beaucoup d’imprimerie en ligne traitent en effet avec des revendeurs, qui agissent pour le compte de clients. Et qui souhaitent par conséquence que leur client ignore l’origine précise de l’impression. Pour cela, il faut des systèmes capables de générer des étiquettes de transport sur lesquelles l’expéditeur réel est masqué, et remplacé par le revendeur… Il faut être précis et efficace dans ce cas, au risque de générer des litiges de transport en pagaille.
 

Les fonctionnalités indispensables à un BON web-to-print

En plus de fonctions de « base » de tout site eCommerce, une plateforme de web-to-print doit offrir aux imprimeurs en ligne les fonctionnalités qui lui permettront de développer dans de bonnes conditions son activité :
 
  • Plusieurs modes de calcul de prix : standard (tableau), variables selon attributs, dynamiques, ou connectés aux ERP pour interroger dynamiquement les moteurs de devisage ;
  • Moteur de devis avec workflow de conversion panier, pour pouvoir éditer un devis suite à une demande client, lui faire valider et lui permettre, le cas échéant, de l’ajouter au panier comme un article lambda ;
  • Gestion de produits personnalisables et de produits sur stock, sans différence perceptible pour le client ;
  • Gestion de gabarits : module permettant d’organiser et de gérer tous les modèles à personnaliser proposés à vos clients ;
  • Règles de combinaisons d'attributs, pour déterminer quelles options ou quels attributs sont compatibles ou non avec d’autres, ce qui permet de modéliser son offre produit et de piloter son pricing ;
  • Module de personnalisation en ligne de documents avec association de modèles aux produits, afin de permettre aux clients de sélectionner un template et de le personnaliser en ligne, via un éditeur web wysiwyg ;
  • Upload de fichiers avec connexion aux espace de stockage Cloud : si vous ne souhaitez pas proposer de template à personnaliser, l’alternative consiste à disposer d’un module d’envoi de fichier, qui doit à minima offrir dans une ergonomie soignée la capacité d’envoyer certains formats de fichiers, en gérant des restrictions d’envoi, la gestion de tailles limites et l’envoi multi-fichiers en drag & drop. Idéalement, un module d’upload de fichier moderne doit proposer des connexions aux clouds comme Google Drive, Dropbox… pour un meilleur confort des utilisateurs ;
  • Preflight : corollaire de l’upload de fichiers, le preflight permet de renseigner plus ou moins finement le client sur la conformité de son fichier avec le cahier des charges de l’imprimeur, en détectant des problèmes de résolution d’image, de colorimétrie ou d’intégration de police ;
  • Gestion des bons à tirer : il est fréquent que les clients demandent à l’imprimeur un bon à tirer, pour vérifier les fichiers fournis avant le tirage ; généralement, cela concerne les commandes d’un certain montant, ou issue d’un devis sur-mesure. La plateforme web-to-print doit donc intégrer un workflow de bon à tirer, permettant à vos graphistes d’envoyer facilement au client un bon à tirer, client qui doit pouvoir alors accepter totalement, partiellement ou refuser le BAT, en laissant des commentaires ;
  • Retirage : beaucoup de clients recommandent régulièrement les mêmes produits, avec exactement les mêmes visuels ; une bonne plateforme web-to-print doit leur faciliter la vie, et en ce sens, permettre un retirage rapide d’une précédente commande, en retrouvant le fichier associé ;
  • Connexion MIS bi-directionnelle : sauf cas exceptionnel, une plateforme web-to-print ne se suffit pas à elle-même ; elle vit en interaction avec l’ERP / MIS de l’imprimeur, qui pilote la production. A ce titre, la plateforme doit donc pouvoir interagir en montant / descendant (d’où la notion de bidirection) avec l’ERP, afin de mettre à jour automatiquement les statuts de commandes, remonter les infos de suivis, ou alerter l’ERP d’une annulation de la commande par le client. Cela peut se faire via des API ou des connecteurs spécialisés.
  • Statuts personnalisables des commandes : afin de faciliter l’intégration décrite ci-dessus, il est indispensable de pouvoir personnaliser les statuts de commande de façon à les harmoniser avec ceux des différentes outils que vous utilisez d’ores et déjà, ce qui facilitera la vie des opérateurs de suivi des commandes ;
  • Optionnel
    • Gestion des encours : en B2B, avec des clients qui règlent en différé, il faut pouvoir établir des limites d’encours pour réduire la surface de risque d’impayé ;
    • Gestion d’espaces clients personnalisés : toujours en B2B, il est parfois utile de pouvoir créer des boutiques en ligne à la marque de certains clients, de façon à créer des environnements contextualisés, avec des catalogues spécifiques et des tarifications personnalisées ;
    • Gestion de la marque blanche : comme expliqué ci-dessus, la livraison en marque blanche est une option essentielle pour opérer l’imprimerie en ligne auprès de revendeurs ; il faut donc pouvoir l’activer facilement, quitte à la valoriser…
 

CMS grand public ou socle technologique dédié ?

Lorsqu’un imprimeur se lance dans l’imprimerie en ligne, ou lorsqu’il décide de refondre sa plateforme, la question qui revient systématiquement est la suivante : dois-je me baser sur une plateforme grand public (type Magento, Prestashop ou autre), ou tout développer de zéro, ou encore utiliser une solution clé-en-main faite pour les imprimeurs ? Même s’il n’est pas simple de répondre à cette question, je me suis toutefois forgé au fil des ans une conviction, à l’aune de mes différentes expériences…
 

Les limites des CMS grand public

Qu’il s’agisse de Prestashop, Magento, Shopify, Wix ou autre, les CMS eCommerce du marché ont été conçus pour gérer des produits manufacturés, en grand volume. S’ils excellent dans ce registre, il faut reconnaître qu’ils sont moins performants dans le domaine des produits d’imprimerie avec des configurateurs avancés. Pour arriver à répondre à ces besoins, il est alors tentant de « tordre » le CMS avec des développements spécifiques, aussi coûteux que sophistiqués. Certes, l’objectif sera – temporairement – atteint, mais les changements de structure opérés sur le cœur de la plateforme bloquent le plus souvent évolutions et mises à jour, ce qui pose ensuite des problèmes de sécurité, de mise à jour… et à terme nécessitent de tout redévelopper faute de possibilité d’upgrades.
 
 

Les limites des agences web généralistes

Ce qui amène souvent à « tordre » les CMS généraliste, ce sont des développeurs d’agences web qui, s’ils connaissent le eCommerce, ignorent tout de la complexité de l’imprimerie. Faute de culture propre au print, ils élaborent des schémas très (trop) sophistiqués, qui conduisent à la création d’usines à gaz impossibles à maintenir dans le temps… et qui peuvent avoir coûté plusieurs dizaines de milliers d’euros, en vain. Vous en doutez ? Parlez-en à vos confrères, vous serez surpris par le nombre d’imprimeurs qui ont vécu des mauvaises expériences de cette nature…
 

So what ?

Dans ce cas, si Prestashop ou Magento ne font pas l’affaire, quelles sont les options restantes. Personnellement, je n’en vois que deux :
 
  1. Le développement from scratch, à base d’API : si vous avez une expérience en webtoprint, des compétences internes en développement et en gestion de projet, et la capacité d’investissement suffisante, il est envisageable de créer vous-même la plateforme web-to-print idéale par rapport à vos besoins, en utilisant des socles technologiques nouvelle génération basés sur des API, comme Sylius. Mais attention, cette démarche est réservée à des publics très matures digitalement, et peuvent s’avérer très coûteuses en nombre de jours de développement…
  2. L’option de solutions eCommerce dédiées à l’imprimerie : il existe des éditeurs spécialisés dans la production de plateforme eCommerce dédiées au print. Toutes ne se valent pas, mais il faut reconnaître que certaines d’entre elles offrent un périmètre fonctionnel très riche, avec un ADN pensé pour l’imprimerie. Leur choix peut faire gagner un temps précieux à l’imprimeur, en lui évitant les affres d’un projet eCommerce en budgets et délais… à condition d’être très exigeant dans le choix de la technologie, cette option reste celle que je préconise dans la plupart des cas, car elle permet à l’imprimeur de se focaliser sur la distribution de ses produits plutôt que sur la partie technique.
 
 
Je pense que cet article fera polémique, tant il existe de cultures différentes. Mais il me semblait opportun de partager mon retour d'expérience sur le sujet… 
 
 
Pour aller plus loin sur le sujet, je vous invite à consulter les articles suivants :
 
 
Source : Image par Free-Photos de Pixabay